Les Caractères de La Bruyère. La Bruyère, qui aimait la lecture des anciens, eut un jour l’idée de traduire Théophraste, et il pensa à glisser à la suite et à la faveur de sa traduction quelques-unes de ses propres réflexions sur les mœurs modernes. Cette traduction de Théophraste n’était-elle pour lui qu’un prétexte, ou fut-elle vraiment l’occasion déterminante et le premier dessein principal ? On pencherait plutôt pour cette supposition moindre, en voyant la forme de l’édition dans laquelle parurent d’abord Les Caractères, et combien Théophraste y occupe une grande place. La Bruyère était très pénétré de cette idée, par laquelle il ouvre son premier chapitre, que tout est dit, et que l’on vient trop tard après plus de sept mille ans qu’il y a des hommes, et qui pensent. […] On ne saurait en écrivant rencontrer le parfait, et, s’il se peut, surpasser les anciens, que par leur imitation. » Aux anciens, La Bruyère ajoute les habiles d’entre les modernes comme ayant enlevé à leurs successeurs tardifs le meilleur et le plus beau. C’est dans cette disposition qu’il commence à glaner, et chaque épi, chaque grain qu’il croit digne, il le range devant nous. La pensée du difficile, du mûr et du parfait l’occupe visiblement, et atteste avec gravité, dans chacune de ses paroles, l’heure solennelle du siècle où il écrit. Ce n’était plus l’heure des coups d’essai. Presque tous ceux qui avaient porté les grands coups vivaient. Molière était mort ; longtemps après Pascal, La Rochefoucauld avait disparu ; mais tous les autres restaient là , rangés. Quels noms ! quel auditoire auguste, consommé, déjà un peu sombre de front, et un peu silencieux ! Dans son discours à l’Académie, La Bruyère lui-même les a énumérés en face ; il les avait passés en revue dans ses veilles bien des fois auparavant. […] La Bruyère a tout prévu, et il ose. Il sait la mesure qu’il faut tenir et le point où il faut frapper. Modeste et sûr, il s’avance ; pas un effort en vain, pas un mot de perdu ! Du premier coup, sa place qui ne le cède à aucune autre est gagnée. Ceux qui, par une certaine disposition trop rare de l’esprit et du cœur, sont en état, comme il dit, de se livrer au plaisir que donne la perfection d’un ouvrage, ceux-là éprouvent une émotion, d’eux seuls concevable, en ouvrant la petite édition in-12, d’un seul volume, année 1688, de trois cent soixante pages, en fort gros caractères, desquelles Théophraste, avec le discours préliminaire, occupe cent quarante-neuf, et en songeant que, sauf les perfectionnements réels et nombreux que reçurent les éditions suivantes, tout La Bruyère est déjà là . Plus tard, à partir de la troisième édition, La Bruyère ajouta successivement et beaucoup à chacun de ses seize chapitres. Des pensées qu’il avait peut-être gardées en portefeuille dans sa première circonspection, des ridicules que son livre même fit lever devant lui, des originaux qui d’eux-mêmes se livrèrent, enrichirent et accomplirent de mille façons le chef-d’œuvre. La première édition renferme surtout incomparablement moins de portraits que les suivantes. L’excitation et l’irritation de la publicité les firent naître sous la plume de l’auteur, qui avait principalement songé d’abord à des réflexions et remarques morales, s’appuyant même à ce sujet du titre de Proverbes donné au livre de Salomon. Les Caractères ont singulièrement gagné aux additions ; mais on voit mieux quel fut le dessein naturel, l’origine simple du livre et, si j’ose dire, son accident heureux, dans cette première et plus courte forme. » » Extrait des Portraits littéraires, I édition 1862 écrits par Sainte Beuve. La Bruyère, précurseur Il était bientôt temps que le siècle finît la pensée de dire autrement, de varier et de rajeunir la forme, a pu naître dans un grand esprit ; elle deviendra bientôt chez d’autres un tourment plein de saillies et d’étincelles. Les Lettres Persanes, si bien annoncées et préparées par La Bruyère, ne tarderont pas à marquer la seconde époque. La Bruyère n’a nul tourment encore et n’éclate pas, mais il est déjà en quête d’un agrément neuf et du trait. Sur ce point, il confine au xviiie siècle plus qu’aucun grand écrivain de son âge ; Vauvenargues, à quelques égards, est plus du xviie siècle que lui. Mais non… La Bruyère en est encore, pleinement, de son siècle incomparable, en ce qu’au milieu de tout ce travail contenu de nouveauté et de rajeunissement, il ne manque jamais, au fond, d’un certain goût simple. […] La Bruyère est plein de ces germes brillants. Il a déjà l’art bien supérieur à celui des transitions qu’exigeait trop directement Boileau de composer un livre, sans en avoir l’air, par une sorte de lien caché, mais qui reparaît, d’endroits en endroits, inattendu. On croit au premier coup d’œil n’avoir affaire qu’à des fragments rangés les uns après les autres, et l’on marche dans un savant dédale où le fil ne cesse pas. Chaque pensée se corrige, se développe, s’éclaire, par les environnantes. Puis l’imprévu s’en mêle à tout moment, et, dans ce jeu continuel d’entrées en matière et de sorties, on est plus d’une fois enlevé à de soudaines hauteurs que le discours continu ne permettrait pas […]. » » Extrait des Portraits littéraires, I édition 1862 écrits par Sainte Beuve. Jugements sur l’œuvre Bussy-Rabutin 1618-1693 Il est entré plus avant que Théophraste dans le cœur de l’homme, il y est même entré plus délicatement et par des expériences plus fines. Ce ne sont point des portraits de fantaisie qu’il nous a donnés, il a travaillé d’après nature, et il n’y a pas une décision sur laquelle il n’ait eu quelqu’un en vue. Pour moi, qui ai le malheur d’une longue expérience du monde, j’ai trouvé à tous les portraits qu’il m’a faits des ressemblances peut-être aussi justes que ses propres originaux, et je crois que, pour peu qu’on ait vécu, ceux qui liront son livre en pourront faire une galerie. Au reste, Monsieur, je suis de votre avis sur la destinée de cet ouvrage, que, dès qu’il paraîtra, il plaira fort aux gens qui ont de l’esprit, mais qu’à la longue, il plaira encore davantage… » Extrait de la lettre au marquis de Termes, écrite le 10 mars 1688. Pierre Bayle 1647-1706 Il y a un autre livre [que les Essais de Morale de Nicole] fort propre à donner de l’esprit aux jeunes gens et à leur raffiner le goût ce sont Les Caractères de ce siècle, par feu M. de La Bruyère ; c’est un livre incomparable. » Extrait de la lettre à M. de Naudis, écrite le 29 octobre 1696. Vigneul-Marville Je loue la bonne intention qu’il a eue de réformer les mœurs du siècle présent, en découvrant leur ridicule ; mais je ne saurais approuver qu’il cherche ce ridicule dans sa propre imagination, plutôt que dans nos mœurs mêmes ; et qu’outrant tout ce qu’il représente, il fasse des portraits de fantaisie et non des portraits d’après nature, comme le sujet le demande. » Extrait des Mélanges d’histoire, et de littérature écrits en 1699. Pierre-Joseph Thoulier d’Olivet 1682-1768 Pourquoi Les Caractères de M. de La Bruyère, que nous avons vus si fort en vogue durant quinze ou vingt ans, commencent-ils à n’être plus si recherchés ? Prenons-nous-en, du moins en partie, à la malignité du cœur humain. Tant qu’on a cru voir dans ce livre les portraits des hommes vivants, on l’a dévoré pour se nourrir du triste plaisir que donne la satire personnelle. Mais à mesure que ces gens-là ont disparu, il a cessé de plaire si fort par la matière. Et peut-être aussi que la forme n’a pas suffi toute seule pour le sauver, quoiqu’il soit plein de tours admirables, et d’expressions heureuses qui n’étaient pas dans notre langue auparavant. » Extrait de l’Histoire de l’Académie française publiée en 1729. Vauvenargues 1715-1747 Nous faisons trop peu d’attention à la perfection de ces fragments, qui contiennent souvent plus de matière que de longs discours, plus de proportion et plus d’art… La Bruyère a cru, ce me semble, qu’on ne pouvait peindre les hommes assez petits ; et il s’est bien plus attaché à relever leurs ridicules que leur force. » Extrait des Fragments publiés en 1746. Voltaire 1694-1778 On peut compter parmi les productions d’un genre unique Les Caractères de La Bruyère. Il n’y avait pas chez les anciens plus d’exemples d’un tel ouvrage que du Télémaque. Un style rapide, concis, nerveux, des expressions pittoresques, un usage tout nouveau de la langue, mais qui n’en blesse pas les règles, frappèrent le public ; et les allusions qu’on y trouvait en foule achevèrent le succès. Quand La Bruyère montra son ouvrage manuscrit à M. de Malézieu, celui-ci lui dit Voilà de quoi vous attirer beaucoup de lecteurs et beaucoup d’ennemis. » Ce livre baissa dans l’esprit des hommes quand une génération entière, attaquée dans l’ouvrage, fut passée. Cependant, comme il y a des choses de tous les temps et de tous les lieux, il est à croire qu’il ne sera jamais oublié. » Extrait du Siècle de Louis XIV publié en 1751. Stendhal 1783-1842 La Bruyère, n’a aucune sensibilité. Dans l’histoire d’Émire, on croit entendre un vieillard qui, du haut d’une fenêtre, a observé deux amants dans un jardin… Il y a peu de comique, chez La Bruyère, la sécheresse le chasse. Peut-être ne nous paraîtrait-il pas sec, si notre goût n’était formé par Jean-Jacques Rousseau, et la lecture des romans. Nous sommes accoutumés à voir des observations mêlées avec un peu de sensibilité. » Extrait de Du style publié en 1812. Julien Benda 1867-1956 Dans l’ordre littéraire, vous êtes pleinement de notre époque. Elle l’a d’ailleurs compris. Elle vous vénère comme écrivain vous tient pour un de ses dieux. D’abord parce que vous avez fait un livre non composé, pur d’une idée maîtresse autour de quoi tout s’organise – un livre inorganique… Nos modernes se réclament de vous, dont l’œuvre est délibérément un cahier de notes, prises sans plan directeur, à l’occasion, pendant vingt ans. Et, en effet, vous êtes bien le père de nos impressionnistes, de nos stendhaliens, de nos nietzschéens, de nos gidiens, de tous nos miliciens de l’écriture sporadique, de tous nos officiants du penser pulsatile. Et ils voient juste en vous faisant gloire d’avoir eu le cœur de fonder le genre en pleine tyrannie cartésienne, en pleine superstition du penser ordonné… » Extrait d’ À Jean de La Bruyère » publié dans La Revue de Paris le 1er janvier 1934. Sources 10 mai 2014 dans L'ARGUMENTATION par
leclef-concours sur les caractères de La Bruyère Exemple de sujet. Lexicologie 307. Première question de grammaire 313. Deuxième question de grammaire 321 . Stylistique 324 Bibliographie 331 RaphaĂ«lle Longuet est professeure agrĂ©gĂ©e de Lettres modernes et doctorante Ă l'universitĂ© Paris-Sorbonne. É ric Tourette est professeur agrĂ©gĂ© de Lettres modernes Ă
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LesCaractères 9 Préface 11 De la société et de la conversation 15 Analyse linéaire – Préparation à l’oral, LA DISSERTATION . 203. 6. LA GRAMMAIRE . 209. 1. Les propositions subordonnées conjonctives circonstancielles . 209. 1. 209Construire la connaissance grammaticale 2. La grammaire pour lire . 211. 3. La grammaire pour s’exprimer . 211. 2. La
Analyse linéaire Arrias» Les Caractères de La Bruyère Introduction Arrias» – Les Caractères de La Bruyère Jean de la Bruyère se définissait comme un témoin privilégié de la comédie humaine », lui qui par son rôle de précepteur du Duc de Bourbon se situait au première loge du spectacle hypocrite des courtisans et des courtisés. Son expérience des hommes et de la société s’illustrera à travers son œuvre Les Caractères » 1688, dans laquelle La Bruyère y apparait moraliste pénétrant, satiriste plein d’ironie et styliste original. Auteur classique, il s’inscrit sous le patronage de Théophraste dont il prétend s’être inspiré. Pourtant, Les Caractères » est une œuvre complète dépeignant les passions de la génération versaillaise afin d’en corriger les défauts mais inaugurant également la critique littéraire moderne et les prémices d’une critique du système social et politique. Arrias» – Les Caractères de La Bruyère Le portrait que nous allons étudier s’intitule Arrias » et décrit un individu méprisable et arrogant. Problématique Comment l’auteur met en œuvre un moralisme plaisant, dans la mesure où le fautif est puni de façon exemplaire ? Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c’est un homme universel, et il se donne pour tel il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle à la table d’un grand d’une cour du Nord il prend la parole, et l’ôte à ceux qui allaient dire ce qu’ils en savent ; il s’oriente dans cette région lointaine comme s’il en était originaire ;bil discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes ; il récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu’à éclater. Quelqu’un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu’il dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l’interrupteur Je n’avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d’original je l’ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j’ai fort interrogé, et qui ne m’a caché aucune circonstance. » Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu’il ne l’avait commencée, lorsque l’un des conviés lui dit C’est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive fraîchement de son ambassade. » La Bruyère, Les Caractères, 1688. 1. la présentation d’Arrias l 1 à 3 / Arrias a tout lu → Quelque chose a Un personnage faux b Un personnage malhonnête 2. Mise en situation d’Arias l 3 à 9 / On parle → Éclater a Arrias adore parler en public b Jeu sur l’apparence c La stratégie argumentation d’Arrias 3. Arrias face à la contradiction se ridiculise 10 à 19 / Quelqu’un se Hasarde → Ambassade a La contradiction des propos d’Arrias b Arrias toujours sûr de lui c Retournement de situation Télécharge l’analyse linéaire en entier en cliquant ici ! Consultez nos autres articles en lien avec La Bruyère La Bruyère Biographie et résumé des Caractères Dissertation rédigée “Les caractères” de La Bruyère et la comédie sociale Pour réussir ton oral de français, suis notre formation en ligne Deviens éloquent !
Lisezce Littérature Dissertation et plus de 31 000 autres dissertations et fiches de lecture. Les Caractères ou Les Mœurs de ce siècle (1688), La Bruyère « Du Souverain de la République. - Les caractères qui présentent une dénonciation sont l’extrait 9 car La Bruyère dénonce l’envie des chefs politiques d’éteindre
La première édition 1688 avait pour titre Les Caractères de Théophraste traduits du grec, avec les caractères ou les mœurs de ce siècle ». L’ouvrage demeura anonyme, et même jusqu’à sa dernière et neuvième édition posthume. Et l’édition qu’on a en main la huitième, alors qu’elle comprenait le Discours à l’Académie, et sa préface était aussi anonyme - Les Caractères traduits du grec précédés du discours sur Théophraste - Les Caractères ou les mœurs de ce siècle, avec une préface et une série de 16 chapitres dont le nombre est resté inchangé au cours des éditions successives, tantôt décrits comme une succession indifférente », sans beaucoup de méthode, tantôt au contraire, comme une suite agencée selon une composition précise on avait reproché à La Bruyère d’écrire sans composition — cf. sa préface au Discours de l’Académie il y a 16 chapitres, dont les 15 premiers découvrent le faux et le ridicule qui se rencontrent dans les objets des passions humaines… et ne tendent qu’à ruiner tous les obstacles » qui mènent à Dieu il s’agit là d’un projet chrétien bien affirmé cf. Même plan dans les sermons de Bossuet. C’est la première question que pose ce livre ordre ou désordre ? En tout cas ce fut le livre de toute une vie les éditions se suivent et les remarques ne cessent d’augmenter la première édition 1688 comprend 420 remarques, en général concises, et obéissant à de nombreux lieux communs. Le succès fut extraordinaire, ce qui explique le nombre d’éditions qui se succèdent rapidement. La quatrième édition 1689 comprend non plus des remarques mais 764 caractères » beaucoup plus de portraits. Malgré l’épigraphe d’Erasme être utile et non blesser », la satire est beaucoup plus ouverte et incisive ; la peinture plus minutieuse et plus exacte. C’est un auteur stimulé par le succès qui parle, dans un style plus brillant aussi. La cinquième édition 1690 comprend 159 pièces supplémentaires. La situation générale les troubles religieux, la révolution anglaise expliquent un raidissement dans l’attitude. Le regard est encore plus attentif et plus cruel, et se livre à la décomposition des apparences. La Bruyère constate le divorce total entre l’idéal et la réalité, lieu de la facticité. Et il est animé de pulsions contradictoires, fuite misanthropique V, 27, 29 ou mouvements de charité IV 48. La sixième édition 1691 comprend 64 nouveaux caractères. En XIV 14, l’auteur apparaît en toutes lettres ans une remarque ironique. Là sont les grands portraits Giton et Phédon ; et l’idéal de sagesse se précise N’être asservi à personne. La septième édition 1692 76 remarques nouvelles ; devant la menace du libertinage, le ton est plus sérieux. La huitième édition 1694 Après son élection à l’Académie, La Bruyère répond dans son discours à la double accusation que son livre n’en pas vraiment un, et que ses portraits, visant seulement le particulier, sont sans portée universelle. Cette édition comprend 47 textes supplémentaires. Les derniers portraits atteignent à une rare perfection artistique Theonas, Irène, Cydias…. La Bruyère y dénonce le rôle néfaste de l’argent et toutes les aliénations qui transforment l’homme en chose » et l’empêchent d’être lui-même. Conclusion cf. Van Delft - Rapport étroit entre approfondissement du pessimisme et rééditions surtout le chapitre Des Esprits forts » très augmenté dans la quatrième édition. La Bruyère s’affranchit de ses modèles Montaigne et La Rochefoucauld, et la critique, au départ un peu superficielle donne progressivement naissance à une morale cohérente - La peinture, au début très générale, se fait de plus en plus concrète et individuelle les maximes perdent du terrain au profit des portraits, d’autant que ces portraits ont beaucoup de succès. Mais ce passage à l’individualité marque aussi un approfondissement. - Il y a des thèmes permanents critique sociale, art d’écrire, défense de la religion, observation des ridicules et dénonciation des valeurs vaines mais des thèmes nouveaux apparaissent actualité politique, questions de langage, rapports familiaux…. - On peut souligner la présence très marquée de l’auteur dans son livre à chaque édition on y voit exposée une blessure du mérite personnel, avec un sentiment d’inadaptation dans la société de son temps par rapport à un âge d’or dont il aurait la nostalgie et son esprit mordant et satirique est une réaction de défense qui permet de surmonter ce sentiment.
LesCaractères livre 5 à 10 contient 380 remarques séparés en 6 parties, chacune sur un thème différent, où la bruyère décrit et critique la société qui l'entoure et à travers des portrait satirique dresse le portrait de l’honnête Homme. 1 er livre: De la société et de la conversation /
Les titres en couleur ou entre crochets ne doivent pas figurer sur la Chez l'auteur antique ThĂ©ophraste, les caractères sont conçus comme des portraits moraux », qui dĂ©crivent et classent les vices humains. InspirĂ©s de cette Ĺ“uvre, Les Caractères de La Bruyère contiennent des textes brefs, de formes variĂ©es l'anecdote succède Ă la sentence, et le portrait Ă la maxime.[Explication du sujet] Pierre Le Moyne, contemporain de La Bruyère et auteur de Peintures morales, dĂ©finit le caractère, en tant que genre littĂ©raire, comme une petite pièce de théâtre sans paroles, sans masque ni scène ou dĂ©cor.[ProblĂ©matique] L'Ĺ“uvre de La Bruyère correspond-t-elle Ă cette dĂ©finition ? Les Caractères se rĂ©fèrent-ils au genre théâtral ? En quoi, Ă tout le moins, le thème du théâtre y est-il central ?[Annonce du plan] Nous verrons tout d'abord ce que Les Caractères empruntent au théâtre, puis nous montrerons que cette Ĺ“uvre complexe ne peut ĂŞtre rĂ©duite Ă ce seul modèle. Enfin, nous nous intĂ©resserons au théâtre du monde » tel qu'il est reprĂ©sentĂ© par La Le modèle du théâtre dans Les CaractèresLe secret de fabricationDans cette première partie, nous montrerons dans quelle mesure La Bruyère s'inspire du genre théâtral dans ses Caractères. 1. Des personnages de comĂ©dieLes personnages des Caractères Ă©voquent souvent le monde du théâtre, en particulier celui de la comĂ©die italienne. Dans les portraits oĂą les protagonistes sont dotĂ©s de noms, certains renvoient Ă des personnages de théâtre, tels Acis ou noterLa comĂ©die italienne met en scène des personnages types les jeunes amoureux, le vieux barbon, le valet audacieux…. Très apprĂ©ciĂ©e au xviie siècle, elle sert de modèle aux dramaturges ailleurs, de nombreux personnages des Caractères correspondent Ă des types propres au théâtre comique l'ambitieux, le pĂ©dant, le parvenu, etc. Ă€ l'instar du Tartuffe de Molière, le faux dĂ©vot Aristarque Des Grands », 45 annonce avec hĂ©raut » et trompette » qu'il doit faire demain une bonne action ».Dans le caractère 50 Des Grands », les Pamphiles sont dĂ©crits comme de vrais personnages de comĂ©die, des Floridors, des Mondoris ». Cette rĂ©fĂ©rence Ă de cĂ©lèbres comĂ©diens de l'Ă©poque suggère la parentĂ© qui existe entre les personnages de La Bruyère et le théâtre Une mise en scène théâtralePour dĂ©crire les caractĂ©ristiques morales de ces personnages, La Bruyère utilise souvent le portrait en action – un procĂ©dĂ© Ă©voquant le genre théâtral. Dans le portrait de ThĂ©odote De la Cour », 61, l'accent est ainsi mis sur sa dĂ©marche », son attitude », ses gestes » afin de faire ressortir son inquiĂ©tante manie » de plaire. Le personnage de ThĂ©ognis Des Grands », 48 est Ă©galement reprĂ©sentĂ© comme s'il Ă©voluait sur une scène de théâtre il n'est pas hors de sa maison, qu'il a dĂ©jĂ ajustĂ© ses yeux et son visage, afin que ce soit une chose faite quand il sera en public ».De manière plus gĂ©nĂ©rale, Les Caractères tĂ©moignent d'un goĂ»t pour la dramatisation, notamment par le recours aux effets de chute. Dans De la SociĂ©tĂ© et de la Conversation », le caractère 9 dresse un dĂ©cor minimal, un repas » mondain, et met en scène le pĂ©dant Arrias, qui Ă´te » la parole Ă tous les convives pour mieux se faire valoir, avant de le ridiculiser par une chute aussi comique qu' caricature et l'ensemble des procĂ©dĂ©s d'amplification, très courants au théâtre, jouent Ă©galement un rĂ´le important dans Les Caractères. L' incurable maladie de ThĂ©ophile », l'ambitieux, en fournit un exemple Des Grands », 15.II. Une Ĺ“uvre aux formes et sources d'inspiration variĂ©esLe secret de fabricationDans la deuxième partie, nous verrons que le modèle du théâtre ne suffit pas pour dĂ©crire toute l'Ĺ“uvre de La Bruyère, marquĂ©e notamment par l'influence de la Des fragments de genres diffĂ©rentsLes saynètes qui se rĂ©fèrent au genre théâtral ne constituent pas, toutefois, la majeure partie de l'Ĺ“uvre de La Bruyère, qui contient Ă©galement des aphorismes, des sentences et des maximes, autrement dit de brefs Ă©noncĂ©s Ă valeur de vĂ©ritĂ© ailleurs, si le moraliste maĂ®trise l'art du morceau choisi », en particulier dans les portraits, il insiste, dans sa prĂ©face, sur le plan » de son ouvrage et les raisons qui entrent dans l'ordre des chapitres ». Il semble pertinent de ne pas se limiter Ă considĂ©rer les caractères chacun pris Ă part ». Les livres VII De la Ville », VIII De la Cour » et IX Des Grands » offrent, par exemple, une sorte de gradation Paris, singe de la Cour », en annonce les corruptions, tandis que les courtisans, ambitieux et grimaçants, prĂ©figurent les Grands » et leurs travers. L'Ĺ“uvre apparaĂ®t ainsi comme une vaste Le modèle de la peinturecitation Tout Ă©crivain est peintre, et tout excellent Ă©crivain excellent peintre. » PrĂ©face au Discours de rĂ©ception Ă l'AcadĂ©mie » de La Bruyère.Dans sa prĂ©face, La Bruyère prĂ©sente Les Caractères comme un portrait fait […] d'après nature », rapprochant son art de celui du peintre. Son modèle se trouve dans la mimesis des Anciens, autrement dit l'imitation du rĂ©el. Observateur averti de la sociĂ©tĂ© parisienne et de la Cour, il brosse des portraits saisissants de rĂ©fĂ©rence Ă la peinture est explicite dans certains caractères, comme le double portrait de Cimon et Clitandre De la Cour », 19 le moraliste doit peindre le mouvement » afin de reprĂ©senter » ces courtisans affairĂ©s, qui jouent les portrait de ThĂ©odote De la Cour », 61 tĂ©moigne, par ailleurs, d'un art consommĂ© de l'hypotypose. En quelques phrases, La Bruyère fait surgir une image frappante dans l'esprit du lecteur, notamment par l'Ă©numĂ©ration d'adjecÂtifs [ThĂ©odote] est fin, cauteleux, doucereux, mystĂ©rieux ».Cependant, qu'il exerce des talents de peintre ou de metteur en scène, le moraliste vise principalement Ă mettre au jour le fonctionnement de la sociĂ©tĂ© Les Caractères ou le théâtre du monde »Le secret de fabricationDans la troisième partie, nous rĂ©examinerons la citation initiale en nous attachant Ă dĂ©montrer en quoi la reprĂ©sentation théâtrale est au cĹ“ur des Caractères en tant que mĂ©taphore du fonctionnement de la sociĂ©tĂ©. 1. La sociĂ©tĂ© comme reprĂ©sentation théâtralePour La Bruyère, se trouver en sociĂ©tĂ©, c'est voir un homme qui entre sur la scène » De la Cour », 61. Nul besoin de masque ni de dĂ©cor de théâtre pour dĂ©crire un monde fondĂ© sur les apparences, oĂą chacun est en reprĂ©sentation permanente, que ce soit Ă la ville » ou Ă la Cour ». Le moraliste reprend ainsi l'image baroque du théâtre du monde ».mot clĂ©L'expression theatrum mundi le théâtre du monde renvoie Ă la dimension théâtrale de la vie en sociĂ©tĂ©. Dans Comme il vous plaira, Shakespeare Ă©crit que le monde entier est un théâtre, / Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs. »Dans le caractère 99 De la Cour », La Bruyère dĂ©veloppe l'analogie entre le monde » et le théâtre ». Il Ă©voque le temps Ă venir oĂą ses contemporains auront disparu de dessus la scène », remplacĂ©s par de nouveaux acteurs ». La scène » du monde est immuable et les gĂ©nĂ©rations s'y succèdent. L'auteur considère la sociĂ©tĂ© pour ce qu'elle est, Ă savoir une comĂ©die », terme qui dĂ©signe au xviie siècle une pièce comique aussi bien que le théâtre en sein de ce théâtre, les hommes et les femmes, gouvernĂ©s par leur amour-propre, vivent dans le seul théâtre de leur vanitĂ© » De la Ville », 11, tel Pamphile, qui ne se perd pas de vue » pour s'assurer qu'il joue bien son rĂ´le en un mot [il] veut ĂŞtre grand, il croit l'ĂŞtre, il ne l'est pas, il est d'après un Grand » Des Grands », 50.2. Le rĂ´le du moralisteSi le monde se prĂ©sente comme un théâtre, le moraliste s'efforce d'en dĂ©voiler les coulisses et de faire tomber les masques de ses le double portrait de Cimon et Clitandre, La Bruyère incite le lecteur, par une sĂ©rie de conseils, Ă s'imaginer partie prenante de la scène. Une fois conscient de ce qui se cache derrière les apparences de la vie en sociĂ©tĂ©, le lecteur peut adopter le recul nĂ©cessaire afin de ne plus en ĂŞtre ailleurs, lorsque le moraliste donne la parole Ă ses personnages, c'est bien souvent pour en montrer la vacuitĂ©, comme dans le portrait de Straton De la Cour », 96 oĂą l'on rapporte ce que ce personnage a dit de soi » pour se faire valoir ». En ce sens, les discours des personnages sont dĂ©noncĂ©s comme des artifices supplĂ©mentaires, au mĂŞme titre que leur costume ou leur Caractères partagent ainsi une mĂŞme ambition avec le théâtre classique corriger les mĹ“urs par le rire. ConformĂ©ment Ă la doctrine classique, la pièce » tend Ă instruire le lecteur ou le spectateur tout en le divertissant. La satire des travers humains chez La Bruyère n'est pas sans rappeler la reprĂ©sentation qu'en donne Molière dans L'Avare ou Le clĂ©Castigat ridendo mores signifie corriger les mĹ“urs par le rire » et renvoie Ă la fonction morale du théâtre comique le spectacle des vices humains et de leur châtiment doit conduire le public Ă s' Si La Bruyère emprunte de nombreux procĂ©dĂ©s au théâtre dans Les Caractères, il se veut avant tout le peintre des travers de ses contemporains afin de corriger les mĹ“urs par le rire ». Au-delĂ du plaisir de la reprĂ©sentation », il dĂ©voile les mĂ©canismes du théâtre du monde » et invite les lecteurs Ă ne pas en ĂŞtre dupes.[Ouverture] Le moraliste dresse ainsi le tableau d'une comĂ©die humaine », comparable Ă celle que Balzac dĂ©crira deux siècles plus tard.
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